I. Aspects juridiques
La question de l’allongement de la durée de protection des droits voisins (producteurs et artistes) est prioritaire pour les producteurs de phonogrammes.
Ce que dit la loi française aujourd’hui :
Selon l’article L. 211-4 du Code de la propriété intellectuelle, la durée des droits patrimoniaux des artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et producteurs de vidéogrammes est de 50 ans. Pour les producteurs phonographiques, le délai de protection commence à courir le 1er janvier de l’année civile suivant celle de la première fixation du phonogramme. Toutefois, si un phonogramme fait l’objet d’une communication au public pendant cette période, les droits expirent 50 ans après le 1er janvier de l’année civile suivant cette communication. Cette durée correspond à celle prévue par la directive communautaire du 29 octobre 1993 sur l’harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins.
La revendication des producteurs de phonogrammes :
Les producteurs français estiment que la durée de protection actuelle de leurs droits est insuffisante. Cette position est partagée de façon générale par les titulaires de droit en Europe et l’IFPI en a fait un dossier prioritaire.
Rappelons que le droit américain protège les phonogrammes pendant une durée au moins égale à 95 ans à partir de leur première année de publication, voie, en l’absence de publication dans un certain laps de temps, à 120 ans à partir de leur production.
Ce retard de la France est à déplorer non seulement par comparaison aux Etats-Unis mais aussi par rapport à d’autres pays comme l’Inde ou la Turquie qui bénéficient respectivement de 60 et 65 ans de protection en matière de droits voisins ! La protection du patrimoine de la musique française est en jeu.
Il faut rappeler que les auteurs de textes ou de musique bénéficient, eux, d’une durée de protection très étendue. En effet, l’auteur qui a écrit par exemple une chanson à l’âge de vingt ans en 1945 verra son droit sur son œuvre protégé durant toute sa vie puis pendant 70 ans après sa mort au bénéfice de ses héritiers. Si celle-ci intervient par exemple en 2010, sa chanson aura donc été protégée pour une période allant de 1945 à 2080, soit 135 ans !
C’est pourquoi il serait équitable que la durée des droits voisins soit prolongée à l’instar de celle dont, très légitimement, bénéficient les auteurs.
Il serait choquant de laisser perdurer cette situation alors que, désormais, un catalogue phonographique considérable s’est constitué en cinquante ans. Et le faire tomber dans le domaine public n’est pas un gage donné à tous ceux qui interprètent et financent la création. Le domaine public n’a de sens que pour des éléments qui ont acquis une véritable dimension historique, pas pour ceux qui font encore intrinsèquement partie de la vie des artistes et des producteurs.
C’est ainsi que nous continuerons tous ensemble à mettre en valeur la création.
II. Aspects économiques
Sur les vingt années à venir, le nombre d’enregistrements tombant dans le domaine public ne fera qu’augmenter : le nombre annuel d’enregistrements tombant dans le domaine public aura doublé à l’horizon 2016, il aura presque quadruplé à l’horizon 2023.
Au total, sur les vingt années à venir, ce sont 47 000 enregistrements qui vont tomber dans le domaine public.
LES REPERTOIRES
La structure par répertoire des enregistrements qui sont tombés dans le domaine public en 2004 montre une prédominance de la part du classique et du jazz au regard de leur part de marché actuelle : 44.5 % pour la variété, 32.8 % pour le classique et 21.1 % pour le jazz.
On assistera, dans les années à venir, à une lente mais constante progression de la part du répertoire variétés au sein des enregistrements annuels tombant dans le domaine public.
Celle-ci, de 44.5 % en 2004 passera à 67.5 % en 2023 alors que, dans le même temps, la part du classique passera de 32.8 % à 25.8 %.
Il convient donc de souligner que :
dans les dix années qui viennent, ce sont tous les enregistrements de jazz produits dans les années 50 et au début des années 60 qui tomberont dans le domaine public. Il s’agit donc d’une part significative du patrimoine musical.
ensuite, ce seront tous les enregistrements des années « yé-yé » et des grands rockers français, qui, eux aussi sont une part significative du patrimoine musical.
au delà de 2025, après avoir été multiplié par près de 4 entre 2004 et 2023, le nombre d enregistrements tombant dans le domaine public devrait exploser.
Dans les années 2020 en suivant la courbe de la très forte progression de la production phonographique du début des années 70.
L’évolution du marché du disque au cours de la décennie 70 – 80 en est un bon indicateur : le nombre d’unités vendues entre 1970 et 1980 a plus que doublé : 66 millions d’unités vendues en 1970, 100 millions en 1075 et 137 millions en 1980.
LES ARTISTES
Sur les vingt prochaines années, les 47 000 enregistrements tombant dans le domaine public concerneront 2 589 artistes différents.
Dix de ces 2 589 artistes totalisent à eux seuls 8.3 % du nombre d’enregistrements tombant dans le domaine public au cours de ces vingt prochaines années.
Notons que Johnny HALLYDAY, qui totalise le plus grand nombre d’enregistrements tombant dans le domaine public au cours des vingt prochaines années, commence à perdre ses premiers droits en 2011 (16 œuvres).
Au sein du répertoire variétés, le nombre d’enregistrements tombant dans le domaine public s’accélère très fortement à partir de 2007, avec les premières « fins de droits » de :
Un grand nombre de ces artistes sont encore vivants et la plupart d’entre eux sont encore actifs dans le domaine de la chanson, que ce soit par le biais d’enregistrements de nouvelles œuvres ou par le biais du spectacle vivant.
Pourquoi ces artistes ne pourraient-ils plus toucher des royalties sur les ventes de leurs enregistrements alors que les auteurs et compositeurs de ces mêmes œuvres continueront encore pendant vingt ans de percevoir des droits ?
Pourquoi les producteurs de ces artistes ne pourraient-ils plus faire valoir leur droit exclusif leur permettant d’exploiter cette part de catalogue qualifiée de patrimoine ?
Pourquoi les producteurs ne pourraient-ils plus percevoir les droits afférents à ces enregistrements et notamment la rémunération équitable et la rémunération pour copie privée sonore et copie privée audiovisuelle ?