Analyse détaillée du Rapport Pheline

LE RAPPORT PHELINE

Analyse détaillée

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  1. Monsieur Christian Phéline a rendu le 18 décembre 2013 à la Ministre de la Culture un rapport très attendu.

Faisant suite à la mission de réflexion confiée à Monsieur Pierre Lescure sur les moyens propres à favoriser la création et la diffusion des œuvres à l’ère numérique, cette nouvelle mission avait pour objet d’objectiver aux plans juridiques et économiques les positions de principe en présence, ainsi que les usages et les pratiques contractuelles afin de servir de base à la concertation qui devait suivre sur les évolutions souhaitables.

Force est de constater que, sans doute faute de moyens et confrontée aux difficultés que représente le secret des affaires dans un secteur très concurrentiel, le rapport (qui reconnaît ces difficultés – p.6 et 7) ne remplit pas la mission qui lui était confiée et que, sur la base d’affirmations non justifiées, il se contente d’énoncer des solutions qui ne sont aucunement à la hauteur des enjeux.

Monsieur Christian Phéline semble avoir oublié que, confrontée à la transition numérique avant les autres industries culturelles, la production phonographique a subi une perte de plus de 60 % de ses revenus de 2002 à 2012. Font cruellement défaut dans ce rapport l’analyse des causes de cet effondrement et l’identification des moyens d’assurer l’existence d’un grand marché de la musique en ligne bénéficiant à tous les acteurs de l’industrie musicale.

Une analyse détaillée du rapport fait apparaître les omissions (I), le parti-pris, erreurs et approximations (II) et l’indigence des solutions législatives proposées (III).

 

I.    LES OMISSIONS

2.         Dans son analyse des « facteurs fondamentaux conditionnant la formation même de la valeur pour la musique en ligne », le rapport fait une impasse évidente sur les principaux points :

3.         En premier lieu, le rapport n’évoque qu’à peine la piraterie, alors que tous les professionnels s’accordent pour reconnaître qu’il n’est pas possible de concurrencer une offre de téléchargement ou de streaming gratuit quel que soit le prix et l’extrême qualité du service offert (Deezer offre pour 9,99 € par mois l’accès gratuit à 30 millions de titres).

Le constat du transfert de valeur, des légitimes ayants-droit de la production musicale aux acteurs de l’internet (moteurs de recherche et fournisseurs d’accès), conséquence de la piraterie, est également totalement négligé par le rapport.

Les retards et les tergiversations des pouvoirs publics conduisent à ce que la France soit l’un des tous premiers marchés mondiaux de la piraterie en ligne.

Les pouvoirs publics ont également permis que la piraterie (qui enrichit les fournisseurs d’accès à internet et les moteurs de recherche) empêche de déterminer un prix de marché pour la mise à disposition de musique en ligne.

4.         La concurrence déloyale des taux de TVA.

Chacun sait que le taux de TVA acquitté par les services de musique en ligne domiciliés au Luxembourg est très largement inférieur à celui auquel sont assujetties les plateformes françaises.

Les plateformes américaines bénéficient en outre sur leur marché domestique d’une absence de TVA et plus généralement d’une fiscalité avantageuse, qui leur a permis et leur permet encore d’investir massivement dans le développement de leurs services, notamment à l’international.

Le gouvernement a non seulement accepté que s’applique dans ce domaine le principe du pays d’origine (se privant des recettes correspondantes), mais il a fixé le niveau de la TVA pour la musique au taux maximum (19,6 % porté à 20 % depuis le 1er janvier 2014), alors qu’il serait logique, comme c’est le cas pour le livre numérique ou la télévision, d’appliquer le taux réduit à la licence de droit de propriété intellectuelle.

Ce faisant, dans un marché sans frontière, les pouvoirs publics ont condamné les éditeurs de services indépendants en les obligeant à assumer sur leur marge la différence de taux de TVA avec leurs concurrents localisés au Luxembourg.

5.         La fiscalité des redevances

Au rang des omissions du rapport, l’on doit rappeler que les pouvoirs publics, en 2012, ont rehaussé de 7,76 % à 15,5 % le taux des prélèvements sociaux applicables aux redevances, lesquelles forment l’essentiel de la rémunération des artistes de la musique. Ce doublement des prélèvements sociaux affecte gravement la rémunération nette des artistes.

De leur côté, les redevances versées à un artiste étranger sont exonérées de charges. C’est un nouvel exemple de la discrimination fiscale des acteurs français de la filière.

6.         Sur la contestation de la convention collective, le rapport se contente d’affirmer (p.19) que la SPEDIDAM, conjointement avec trois syndicats, ont saisi le Conseil d’Etat et le Tribunal de grande instance de Paris et que, déboutés de cette dernière demande, ils ont fait appel. Le rapport aurait pu rappeler que la négociation de la convention a été menée en commission mixte paritaire au Ministère du Travail, que celui-ci a gagné le référé engagé contre l’arrêté et que le jugement motive parfaitement les raisons du rejet des demandes de la SPEDIDAM.

Le rapport fait état d’une réticence des organisations de producteurs à répondre positivement à la demande d’un réexamen de la convention collective de l’édition phonographique. Il aurait pu rappeler que la SPEDIDAM a multiplié les procédures, qu’elle a vu rejeter les pourvois en cassation qu’elle a formés contre les arrêts qui la déboutent et qu’elle a été condamnée, dans les dernières affaires mettant en cause l’industrie du disque, à rembourser les frais irrépétibles engagés par les défendeurs qui viennent s’ajouter aux frais qu’elle a engagés. Un coût de plusieurs centaines de milliers d’euros.

La réticence des organisations de producteurs à reprendre la négociation collective résulte du non-respect par les pouvoirs publics de leur engagement. Le Ministère s’était engagé à confirmer les solutions de la négociation collective, ce qu’il n’a pas fait. L’opposition de la SPEDIDAM et son approche contentieuse empêchent toute négociation sérieuse en faisant peser un risque sur tout accord conclu entre les partenaires sociaux.

L’on se demande d’ailleurs pour quelles raisons le rapport Phéline ne signale pas que la Spedidam a engagé depuis plus de dix ans des dizaines de procédures contentieuses à l’encontre des producteurs afin de contester leurs droits, procédures qu’elle a toutes perdues et qui ont contraint ses membres à supporter les frais susvisés.

7.         Le rapport met en cause les études macroéconomiques fournies par la société GFK au motif qu’elles « reposent sur des données sur lesquelles le SNEP dispose d’un monopole d’exploitation » (p.7). Il omet de prendre en compte que le SNEP supporte seul la charge de ces études et que, en abandonnant le CNM, le gouvernement a privé le secteur de la musique de l’observatoire que constitue le CNC pour le cinéma et l’audiovisuel.

8.         En réalité, le rapport refuse de prendre en compte les évidences qui résultent de l’analyse du cabinet Ernst & Young. La production française est structurellement en déficit. Cette simple constatation qui repose sur une étude objective fragiliserait l’ensemble de la construction théorique du rapport. Comment affirmer que le partage de valeur serait inéquitable pour les artistes-interprètes, que les abattements contractuels seraient injustifiés, que les producteurs devraient partager les aides qui financent la production, qu’il faut donner la possibilité aux artistes de renégocier leurs contrats, alors que, globalement, la production française  est déficitaire, malgré les aides et subventions ? Seule la péréquation avec le fonds de catalogue et les répertoires amortis permet aux producteurs de continuer de financer la production française.

II.   LES ERREURS, APPROXIMATIONS ET PARTI-PRIS

A.    Les erreurs

9.         En s’abstrayant de la réalité le rapport s’expose à commettre de nombreuses erreurs. Il serait trop long de toutes les citer et cette analyse sommaire ne cite que quelques exemples.

10.      Ainsi, l’analyse des modes de gestion comporte de nombreuses erreurs ou approximations (p.18s).

Ÿ  Par le contrat d’artiste, l’artiste-interprète ne cède pas au producteur la propriété des enregistrements. Le producteur est, en tant que producteur, propriétaire des enregistrements. Le contrat d’artiste cède le droit d’exploiter la prestation de l’artiste.

Ÿ  L’absence de clause sur les « rémunérations applicables pour les exploitations numériques de leurs prestations » ne résulte pas d’une absence d’accord entre les signataires. Les syndicats représentant les artistes principaux ont signé la convention collective sans réserve. C’est donc d’un commun accord que ces dispositions n’ont pas fait l’objet de discussions concrétisées par des dispositions conventionnelles.

Ÿ  Selon le rapporteur, le webcasting, semi-interactif ou non, constitue le mode d’exploitation principal parmi ceux dont les producteurs ont choisi de confier la gestion à leurs sociétés de gestion collective. C’est très loin d’être le cas. Pour le rapporteur, il s’agit de démontrer que l’assiette de calcul des rémunérations complémentaires proportionnelles dont bénéficient les artistes musiciens au terme de la convention collective serait faible. En réalité, les sommes perçues par la SCPP au titre du webcasting représentent moins de 2 % de l’ensemble des sommes entrant dans l’assiette de calcul de la rémunération complémentaire proportionnelle. Ces données avaient pourtant été communiquées aux membres de la mission Phéline par les représentants des producteurs.

Ÿ  Peu avare d’approximations ni d’erreurs manifestes, le rapporteur écrit encore que les rémunérations complémentaires forfaitaires et proportionnelles prévus par la convention collective sont exclusives l’une de l’autre alors que la convention collective prévoit au contraire qu’elles s’additionnent, au bénéfice des artistes musiciens.

11.      De même, le rapport présente les simulations du GESTE sans aucune réserve en énonçant qu’elles analysent les « conditions usuelles de prix et de rémunération des ayants-droit ; pourtant,

Ÿ  Le premier des tableaux établi par le GESTE évoque un prix public par titre de 0,99 € TTC (p.22) (alors que le rapport a rappelé p.16 que le prix moyen d’un titre est de 1,06 € TTC).

Ce tableau fait état d’un coût de licence des majors de 70 % du prix de détail avec un minimum garanti de 0,70 e TTC ; ceci constitue à l’évidence une manipulation car les majors ne perçoivent pas un pourcentage du prix de détail mais un montant fixe prédéterminé par titre (dont le prix de détail est laissé à l’appréciation de l’éditeur du service).

Ÿ  Le tableau sur le streaming à la demande  gratuit (p.24) calcule la marge des plateformes « hors frais de régie », ceux-ci étant évalués à 30 %. Le rapport fait semblant d’ignorer que les régies sont généralement contrôlées par les éditeurs des services en ligne (et domiciliés dans des pays à la fiscalité accueillante).

12.      Le rapport n’hésite pas à laisser sans commentaire sa constatation que les bilans de la politique d’aide de l’ADAMI pour les années 2011 et 2012 font apparaître que sur les quelques 380 projets aidés au total, aucun n’est produit par une major et 4 seulement par des gros indépendants (p.47).

L’on peut rapprocher ce silence de la critique sévère contre le mode de répartition des aides par la SCPP (pour laquelle les droits de tirage ne représentent que 5,7 M€ sur 7 M€).

S’agissant des aides, le rapport estime encore que « l’enjeu » du problème est « loin d’être négligeable » alors qu’il chiffre à 17,4 M€ le total des ressources en 2011 à comparer à un chiffre d’affaires de 617,2 M€ (soit moins de 3 %).

L’on pourra utilement rapprocher ce chiffre de celui des aides consacrées à l’industrie cinématographique.

B.    Les approximations

13.      En écartant toute analyse objective des éléments communiqués et des propos rapportés, le rapport multiplie les jugements approximatifs, entérinant sans aucune analyse critique, les affirmations de certains acteurs.

14.      Le rapport fait état d‘écarts de rémunérations par les plateformes entre les majors et les autres producteurs sans fournir aucun élément de justification de cette affirmation. Chacun sait pourtant que les majors et les producteurs indépendants regroupés dans Merlin bénéficient de conditions identiques. Merlin vient encore de le confirmer à l’occasion de la conclusion d’un accord avec Beats Music en février 2014.

Le rapport évite soigneusement d’évoquer la part de marché des producteurs indépendants membres de Merlin, qui bénéficient de conditions équivalentes à celles de majors. Seuls quelques très petits producteurs ont négligé de faire les démarches pour bénéficier de ces possibilités.

Le rapport évoque aussi des barrières d’accès au marché, alors qu’il est de notoriété publique que les conditions d’accès au marché pour les petits producteurs sont nettement meilleures dans le numérique qu’elles ne l’étaient dans le physique.

15.      Le rapport entend prendre en compte les revenus issus de l’édition musicale pour « relativiser » « le tassement des chiffres d’affaires de la seule production phonographique des majors » (p.28).

Cette appréciation est totalement déconnectée de la réalité. Parler de « tassement » après avoir précisé que le chiffre d’affaires global a « baissé de quelques 60 % sur la dernière décennie fait preuve d’un absolu manque de considération voire de discernement.

Cela d’autant plus que les recettes de droit de reproduction mécanique ont également connu une chute considérable dans la même période, que ces recettes sont très inférieures aux recettes de l’exploitation phonographique et que les éditeurs reversent au moins 50 % de ces recettes aux auteurs/compositeurs (lorsqu’ils ne sont pas simplement coéditeurs ou gestionnaires).

La chute du marché du disque affecte donc les producteurs-éditeurs à un double titre.

16.      Le rapport énonce que le retrait par certains éditeurs des droits numériques de la SACEM aurait pour conséquence d’imposer des délais, coûts et aléas, en obligeant à au moins quatre négociations séparées à la place d’un guichet unique (p.32).

Le rapport semble ignorer que c’est une décision de la Commission Européenne qui a conduit à mettre fin aux contrats de représentation réciproque.

En l’état, un service en ligne ne doit pas mener quatre négociations mais plus de trente (pour chaque société de gestion nationale et pour la dizaine d’éditeurs, dont la majorité indépendants des producteurs, qui ont retiré les droits numériques de la gestion collective car ils la trouvent non efficace).

Dans cette partie du rapport, comme dans d’autres, Monsieur Phéline présente les majors du disque et leurs filiales publishing comme des acteurs dominants en capacité d’imposer leurs conditions lors des négociations avec les plateformes. Il faut rappeler que le rapport de force avec les plateformes s’est inversé au profit de ces dernières et que Deezer, à titre d’illustration (sans même mentionner Apple ou Google), est désormais en situation ultra dominante sur le marché du streaming audio français. Il convient de rappeler également que la SACEM est en situation de monopole sur l’ensemble du répertoire local. Son « pouvoir de négociation » est donc très significatif.

17.      Le rapport critique la durée des contrats conclus avec les plateformes (un an renouvelable) alors que ceci paraît particulièrement adapté dans une période de construction de modèles économiques.

Il laisse entendre que le « recours en chaîne » aux avances pourrait être source de pressions contractuelles sur les artistes (p.36) alors que ceux-ci en sont les principaux bénéficiaires, comme le montre par ailleurs l’étude du Snep. Le montant des avances non récupérées consenties aux artistes montre que cette pratique conduit à une certaine mutualisation des revenus entre artistes. La suppression des avances conduirait à la paupérisation des jeunes artistes et jeunes talents.

Le rapport omet de rappeler que les producteurs se sont conformés aux principes de la charte Hoog en matière d’avances. Le recours aux avances était et reste justifié au démarrage de l’activité des plateformes et tant que leur viabilité économique est sujette à caution. Désormais, le montant des avances demandé par les majors aux plateformes se limite aux frais techniques de mise à disposition.

Le rapport dénonce (p.41) l’absence de publication de conditions générales de ventes pour le streaming à la demande. Or, lorsqu’une exploitation est nouvelle, il est fréquent que les acteurs économiques ne publient celles-ci que lorsque les conditions d’exploitation se sont stabilisées. Il n’y a donc rien d’anormal à ce que les CGV du streaming à la demande ne soient pas encore publiées.

Là encore, la gestion collective ne changerait rien, les SPRD de producteurs (comme la SACEM) ne publiant leurs contrats type que lorsque les conditions de l’exploitation concernée sont stabilisées. Monsieur Phéline ignore t-il que la SACD ne dispose pas de conditions générales pour les services de vidéo à la demande par abonnement ?

En définitive, les critiques du rapport sur les relations contractuelles sont dépourvues de toute justification. L’on rappellera que le droit de la concurrence encadre efficacement les relations sans qu’il soit nécessaire de les enfermer dans un  carcan nuisible à l’innovation.

18.      Sur l’éditorialisation et la promotion (p.38s), le rapport présente un ensemble de prétendus diagnostics sans aucun justificatif, à telle enseigne qu’il évoque même, sans peur du ridicule, des clauses contractuelles non écrites.

Le rapport ne se soucie pas davantage des contradictions qu’il énonce. L’on ne saurait à la fois souhaiter que les nouveautés bénéficient d’une prime et lisser l’effet des pointes d’écoute.

19.      Dans son appréciation de la détermination de la rémunération des artistes, le rapport omet de prendre en compte deux éléments importants :

Ÿ  La concurrence entre les producteurs ; si le nombre de majors a diminué, cela s’est accompagné d’un renforcement de la concurrence, chaque signature de contrat donnant lieu à des offres concurrentes.

Ÿ  Les conseils des artistes sont très spécialisés et connaissent le détail des conditions qu’ils ont pu obtenir au cours des précédentes négociations.

Contrairement au diagnostic du rapport, l’on peut sans doute penser que les rémunérations des artistes français, supérieures à celles des artistes étrangers, sont l’une des causes du déficit global de la production nationale.

20.     Sur l’application de la convention collective, le rapport fait état, sans aucun justificatif sérieux, d’incertitudes sur son degré d’application (p.91). Il ne semble pas toutefois que les syndicats d’artistes aient élevé des contestations sur ce point. Au contraire, ils souhaitent l’extension de la convention à des secteurs qui en sont exclus, car la production n’est pas leur activité principale, tels que les entrepreneurs de spectacles.

Les producteurs sont naturellement favorables à une étude conjointe avec les organisations syndicales pour vérifier les conditions d’application de la convention collective qu’ils ont signée.

Si les conditions d’application à des productions fragiles pourraient donner lieu à des exceptions (comme cela a été le cas pour la convention collective du cinéma), la possibilité donnée à certains de ne pas respecter les rémunérations minimales est une cause de concurrence déloyale.

Le rapport fait état d’une « réticence des organisations de producteurs à répondre positivement à la demande de réexamen de la convention collective » en évoquant un « souci excessif de révérence » envers la mission.

C’est sans aucune révérence mais dans un souci d’efficacité que les producteurs, espérant que Monsieur Phéline assurerait une analyse sérieuse, ont souhaité attendre les conclusions de la mission pour engager une discussion sur la convention collective.

Malgré leur déception quant à la qualité du travail effectué, les producteurs sont naturellement disposés à dialoguer avec les partenaires sociaux, comme ils le font sur divers sujets à longueur d’année. Les producteurs entendent néanmoins rappeler les conséquences très défavorables que pourrait entraîner notamment la fixation de redevances minimales.

C.    Le parti-pris

21.      Le rapport est enfin émaillé de prises de positions qui ne reposent sur aucun élément objectif mais exclusivement sur une suspicion à l’encontre des producteurs phonographiques.

22.     Le rapport marque le parti pris, dès la présentation qu’il fait des acteurs, en faisant état du « tassement »  du marché de l’industrie phonographique alors que ce marché a baissé de plus de 60 % en dix ans. Parler de tassement plutôt que d’effondrement n’est pas neutre, et traduit un parti pris des auteurs du rapport.

23.     En poursuivant la lecture, la conclusion du rapport sur la première partie laisse pantois. Le rapport attribue au dysfonctionnement du marché la mortalité inquiétante » des nouveaux services et le risque d’une concentration drastique autour de seuls acteurs mondialisés alors que chacun sait que la concentration de l’offre concerne tout le commerce en ligne et que la gravité des troubles qui affectent la distribution des produits culturels résulte du laxisme des pouvoirs publics :

Ÿ  Absence d’engagement sérieux contre la piraterie ;

Ÿ  Traitement fiscal discriminatoire des services nationaux.

Les pratiques contractuelles des majors vis-à-vis des plateformes sont les mêmes dans tous les pays. Pour quelles raisons ces pratiques permettraient le développement des plateformes étrangères mais entraveraient dans le même temps celui des plateformes françaises ?

24.     S’agissant des contrats entre producteurs et artistes, le rapport, bien que constatant que l’étude de l’ADAMI ne porte ni sur les majors ni sur les gros indépendants (qui représentent sans doute plus de 95 % du marché), accorde aux analyses présentées par celle-ci la même valeur qu’à celle des contrats qui génèrent l’essentiel des revenus des producteurs et des artistes.

Ainsi, alors que l’étude du SNEP distingue trois catégories d’artistes, le rapport met en avant un « effet statistique de surévaluation » (p.49) pour réduire la portée de ses conclusions. L’on ne saurait tout à la fois souhaiter un meilleur partage de la valeur et écarter les études indépendantes qui démontrent comment et par qui il est assuré.

A ce point du rapport, l’auteur se garde de rappeler que l’étude EY produite par les trois majors portait sur l’intégralité des albums produits par elles au cours de l’année 2011 de telle sorte que cette étude est le reflet exact et exhaustif des pratiques de rémunération des artistes par les producteurs majors.

Constatant que l’étude de l’UFPI aboutit à des conclusions de même sens que celles de l’analyse des majors (p.52), le rapport ne conclut pas que cela confirme les hypothèses sur lesquelles sont fondées les conclusions de l’UFPI mais met en doute celles-ci.

Il est consternant de voir que le rapport analyse de manière détaillée les différences de méthode des trois études mentionnées (SNEP, UPFI, ADAMI), sans jamais se préoccuper de la représentativité des différentes études pour ce qui concerne la rémunération des artistes interprètes. Ainsi, le fait que l’étude du SNEP décrive la situation du partage de la valeur entre artistes et producteurs pour 75% des rémunérations versées aux artistes interprètes est totalement passé sous silence, ainsi que le fait que cette étude révèle que les producteurs perdent de l’argent sur les exploitations numériques des artistes français. A contrario, le rapport n’évoque même pas l’absence totale de représentativité de l’étude ADAMI en termes de rémunérations versées, alors que, compte tenu des critères d’aides de l’ADAMI, cette étude ne porte que sur des productions qui n’ont malheureusement pas eu de succès notable. Le fait que les productions n’aient pas donné lieu à des versements de rémunérations significatives, non pas en raison de mauvaises conditions contractuelles, mais en raison d’absence d’exploitations significatives, est totalement passé sous silence, alors que l’étude ne porte sans doute que sur une portion très réduite des exploitations phonographiques de la période.

25.     S’agissant de la rémunération des artistes, le rapport passe totalement sous silence le profond manque de sérieux des chiffres de l’ADAMI. Au contraire, la mission y prête aveuglément foi.

Ce qui était demandé à Christian Phéline était de tirer au clair les affirmations contradictoires des uns et des autres quant à la rémunération des artistes interprètes dans l’environnement numérique. La principale question à laquelle devait répondre la mission était de savoir si les artistes étaient mieux ou moins bien rémunérés selon que leurs enregistrements étaient exploités dans l’univers physique ou dans l’univers numérique ?

Pour répondre à cette question, la mission a pu prendre connaissance des études de l’ADAMI (réalisée par M. Barret Stéphane), de l’UPFI et du SNEP (réalisée par Ernst & Young).

Les assertions fluctuantes de l’ADAMI méritent d’être détaillées. Elles ont en effet largement contribué au lancement par le ministère de la culture d’une mission « d’objectivation » des chiffres.

En janvier 2013, l’ADAMI mettait en avant un taux net de 4,1 % pour le streaming pour le comparer à un taux de 6,4 % pour les exploitations physiques. Ces chiffres ont alimenté la réflexion de la mission Lescure. Jusqu’à l’intoxiquer ?

En novembre 2013, dans un dossier paru dans News Tank Culture, l’ADAMI était contrainte de réviser les chiffres qu’elle avait pourtant largement véhiculés depuis le début de l’année.

Conservant un paramètre d’analyse identique, le taux net des exploitations numériques mis en avant par l’ADAMI double miraculeusement pour passer à 8,18 %. Et encore ce taux « moyen » n’est-il obtenu qu’au prix d’un cumul d’abattements surévalués dont le SNEP a démontré qu’il n’était jamais pratiqué par ses membres.

Dans le même temps, l’ADAMI était également contrainte de revoir à la hausse le taux appliqué aux exploitations physiques, faute de quoi l’axiome selon lequel les artistes sont moins bien rémunérés dans l’univers numérique ne se vérifiait plus. C’est ainsi que le taux « physique » brut passe à 10,3 % en moyenne, soit 2.1 points de plus que le taux numérique, selon l’ADAMI. Alors que cette dernière multiplie les abattements applicables au numérique afin d’afficher le taux le plus bas possible, elle omet opportunément d’afficher un taux net pour le physique. Rappelons qu’un taux de 10,3 % après abattement base BIEM est compris entre 8,15 % et 8,25 %.

Ce simple constat n’arrange pas l’ADAMI. Il est pourtant issu des chiffres communiqués par elle et vérifie l’affirmation unanime des producteurs selon laquelle les artistes sont mieux rémunérés dans l’univers numérique que dans l’univers physique.

Enfin, les résultats de l’étude de l’ADAMI présentés moins d’un mois plus tard par le rapport Phéline laissent songeur. Le taux net physique selon l’ADAMI serait finalement de 9,7 % en moyenne.

Bref, le manque de sérieux de l’étude de l’ADAMI et les manipulations de chiffres sont patents. La mission se garde pourtant de le relever et se noie dans des explications alambiquées pour conclure que la comparaison des différentes études qui lui ont été soumises n’est pas possible. L’on ne peut que douter de son objectivité.

26.     Le rapport prétend donner une place particulière aux avis de personnalités ou « spécialistes » indépendants.

Le choix de ces personnalités est déséquilibré.

Les avocats entendus ne sont pas ou plus les conseils d’artistes mais sont les conseils de l’Adami et des éditeurs de service.

Donnant la parole à ces avocats spécialisés, le rapport retient un ensemble de critiques de clauses contractuelles qui n’ont le plus souvent rien à voir avec l’exploitation numérique mais qui tiennent à l’exploitation physique, sans rapport donc avec sa mission. En outre, Monsieur Phéline n’a pas jugé utile d’évoquer ces questions  avec des producteurs, sachant pourtant que les organisations syndicales ne peuvent pas disposer d’informations précises sur les conditions contractuelles évidemment confidentielles.

27.     Sur les relevés de redevances, le rapport constate (p.64) leur complexité et appelle à plus de transparence. L’on notera que le rapport n’a pas jugé utile d’examiner les relevés des sociétés de gestion collective des artistes-interprètes (certainement plus simples mais beaucoup moins transparents). Si les états de redevances des producteurs sont complexes, c’est qu’ils comportent une ligne pour chaque exploitation, ce qui naturellement n’est pas le cas des relevés des sociétés de gestion collective ; ceux-ci ne détaillent pas les rémunérations en fonction des exploitations et, souvent, ne répartissent pas même en fonction des exploitations mais en prenant en compte des facteurs tels que le nombre de déclarations reçues du musicien ou son ancienneté.

Monsieur Phéline semble d’autre part ignorer les différences de délai de paiement des rémunérations entre les producteurs et les sociétés de gestion collective.

En premier lieu, les producteurs consentent des avances aux artistes ; après récupération de ces avances, les états de redevance (prenant en compte les facturations et non pas les encaissements) sont adressés tous les semestres et payés dans les 90 jours. Le délai moyen de paiement est donc de six mois (après récupération des avances).

Les sociétés de gestion collective des artistes, pour autant qu’elles s’entendent entre elles sur la répartition de leur répertoire respectif, paient les rémunérations de 2 à 5 ans après l’exploitation.

S’il critique les abattements pratiqués par les producteurs, conformément aux dispositions contractuelles et justifiées par les conditions d’exploitation, Monsieur Phéline ne dit pas un mot des prélèvements des sociétés de gestion collective pour couvrir leurs frais de gestion.

Le fait est que, outre les délais de répartition, les sommes perçues pour le compte de membres sont diminuées de frais de gestion (de près de 20 %).

Enfin, le rapport expose que la SACEM-SDRM a passé des conventions avec la plupart des opérateurs de musique en ligne (P16). Il omet de rappeler les difficultés auxquelles fait face la gestion collective, illustrées par la multiplication de contentieux sur la détermination et la perception de la rémunération pour copie privée.

28.     Le rapport critique le recours aux contrats 360° (p.68), en oubliant que l’extension des cessions a principalement pour objet de permettre la récupération des avances.

C’est bien sûr également la justification des cessions de créances. En mettant en cause la légalité de ces cessions, le rapport oublie qu’une avance est, par nature, récupérable et qu’il n’existe aucune raison de limiter la récupération aux « seules ressources de l’exploitation ».

A cet égard, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que :

Ÿ  La pratique des cessions de créances est un usage généralisé dans les relations entre l’auteur, son éditeur et la SACEM ;

Ÿ  L’interdiction des cessions de créances serait sans doute défavorable à l’artiste que l’on prétend protéger en ce qu’elle conduirait mécaniquement le producteur à limiter le montant des avances, ce montant étant déterminé en fonction des prévisions de recettes ;

Ÿ  Les limites apportées à la récupération des avances tendraient à rapprocher celles-ci de minima garantis. Il ne s’agirait plus alors de redevances mais de salaires

En outre, la rémunération équitable et la rémunération pour copie privée sont certes issues de licences légales, mais l’exploitation à la radio et la copie privée sont générées par l’exploitation entreprise par le producteur et la promotion qu’ils assurent auprès des diffuseurs et des exploitants de discothèques. Ces rémunérations définies par la loi ont, selon la directive, pour objet d’indemniser le préjudice qu’entraîne ces exploitations pour lesquelles les producteurs et artistes ne perçoivent pas une rémunération négociée. Il est donc parfaitement normal que les avances soient récupérables sur ces rémunérations (rien n’interdirait d’ailleurs aux SPRD d’artistes de consentir des avances).

29.     Plus généralement, les généralisations auxquelles procède le rapport ne manquent pas de surprendre. Partant d’un exemple, souvent non justifié, le rapport en étend les conclusions à toute la profession. Ainsi, le rapport mentionne (p. 56 et 57) des types de clauses numériques d’abattement qui seraient proposées par les majors alors qu’il s’agit de clauses sans doute recopiées dans un contrat isolé (au surplus non daté). Bien que les principaux producteurs aient affirmé, en le justifiant, qu’ils n’appliquaient pas de tels abattements, le rapport n’hésite pas à attribuer à l’ensemble des majors une pratique sans doute isolée (pour autant qu’elle existe).

Cette approche est évidemment inacceptable.

 

III. L’INDIGENCE DES SOLUTIONS LEGISLATIVES PROPOSEES

30.     L’on ne saurait s’étonner que, faute d’analyse sérieuse et objective des informations disponibles, la mission suggère des pistes sans avenir.

31.      Le rapport énonce comme un axiome que les musiciens auraient droit à une rémunération proportionnelle aux recettes pour les exploitations numériques.

Il convient de relever qu’il n’existe aucune justification à ce postulat :

Ÿ  Une telle rémunération n’existe pas pour les ventes physiques ;

Ÿ  La rémunération proportionnelle, introduite par la convention collective au bénéfice des artistes musiciens, est une exception française.

Ÿ  La mise en œuvre d’une rémunération proportionnelle pour les artistes principaux s’accompagne d’une réduction du salaire (le salaire minimum d’un artiste principal, dans la convention collective, est inférieur à celui d’un musicien). L’introduction de rémunérations proportionnelles conduirait à réduire le montant des rémunérations forfaitaires versées. Outre le risque de précarisation pour les musiciens, la réduction des salaires (au niveau du minimum fixé par la convention collective) engendrerait des difficultés au regard du régime des intermittents.

32.     Contrairement au postulat, l’intérêt des artistes n’est pas toujours une rémunération proportionnelle, celle-ci a vocation à être réservée, comme dans le cinéma, aux artistes qui contribuent à la réussite de l’exploitation.

L’on peut signaler que l’industrie phonographique est le seul secteur des industries culturelles où le paiement d’une rémunération proportionnelle aux artistes est généralisée (alors qu’elle est exceptionnelle et réservée à quelques stars dans le cinéma et absente dans la production audiovisuelle).

L’on peut déjà constater que la signature de la convention collective augmentant les cachets des musiciens a conduit à ce que les producteurs de films délocalisent hors de France la production des musiques de films.

Le renchérissement du coût de production et d’exploitation de la production française aurait à l’évidence des conséquences très négatives.

33.     Le rapport consacre de longs développements (une quinzaine de pages) à l’analyse des modes de gestion collective obligatoire qui pourraient être imposés aux ayants-droit, producteurs et artistes-interprètes. Tout en se défendant de prendre position sur la faisabilité juridique de telles solutions, Monsieur Phéline n’hésite pas à recommander, dans ses conclusions, un régime de gestion collective obligatoire « qui pourrait s’inspirer de propositions voisines avancées par l’ADAMI comme par la SPEDIDAM ». L’on aurait pu attendre de ce rapport qu’il s’interroge sur la faisabilité de ses recommandations.

En l’espèce, le rapport fait une impasse absolue sur les consultations des Professeurs Gautier, Carcassonne et Benlolo-Carabot qui concluent toutes que ces mesures « ne sauraient être adoptées dans le respect de la constitution » (Pr. Carcassonne) et qu’elles « apparaissent difficilement compatibles avec les principes fondamentaux du droit communautaire (Pr. Benlolo-Carabot).

34.     Sur les suggestions de gestion collective obligatoire, le rapport énonce, sans aucune analyse, qu’elles relèveraient plus de modalités de gestion des droits exclusifs plutôt que d’un régime d’expropriation.

Le rapport ne justifie pourtant aucunement de la réunion des conditions qui pourraient éventuellement justifier un recours à ce mode exceptionnel de gestion des droits exclusifs. Ainsi, le rapport écarte les arguments développés par l’UFPI (p.81) au motif de risques d’abus de position dominante des majors, d’éviction des producteurs indépendants et d’inégalités de traitement entre artistes-interprètes.

Sans souscrire aux arguments de l’UFPI sur ce point, l’on peut relever que :

Ÿ  Ces arguments ne s’appliquent pas qu’à l’environnement numérique (et l’UFPI met au contraire en évidence que ces risques sont moindres que dans l’environnement physique) ;

Ÿ  Ils ne sont pas de nature à justifier la gestion collective obligatoire. L’égalité de rémunération des artistes-interprètes n’est pas un objectif ;

Ÿ  Il existe des moyens respectant les droits des producteurs et des artistes de lutter contre les risques identifiés.

35.     Les différentes hypothèses de gestion collective se heurtent d’autre part à des obstacles pratiques et juridiques que le rapport n’a pas pris en compte.

Ÿ  En premier lieu, il est naturellement totalement exclu que la gestion collective puisse être obligatoire. Il s’agirait d’une expropriation d’un droit exclusif. L’on peut tout au plus envisager (tout en considérant que cela n’est pas juridiquement possible) que l’exercice du droit s’effectue en gestion collective.

Si une telle disposition peut être envisageable pour certains types d’exploitation limités à un territoire déterminé (câblo-distribution) une telle solution est radicalement impossible à mettre en œuvre dans un marché globalisé.

Ni les éditeurs de service étrangers ni les producteurs étrangers ne seront tenus de passer par la négociation collective.

La conséquence d’un tel mode de gestion sera donc de priver les services français d’accès aux catalogues internationaux et donc de donner un avantage imparable aux services étrangers.

Une nouvelle atteinte, mortelle sans doute, à la production et aux services de musique en ligne français.

Ÿ  La prise en compte des contrats en cours n’est pas même évoquée par le rapport. L’on rappellera que la Cour de cassation a jugé que la cession des droits numériques était comprise dans la cession du droit d’exploitation phonographique contre une rémunération forfaitaire.

Ÿ  Le rapport fait également l’impasse sur la situation des artistes étrangers. Outre la difficulté de répartir des rémunérations à des artistes et musiciens que les sociétés collectives ne connaissent pas, l’on voit mal comment une loi française pourrait modifier des contrats soumis à une loi étrangère.

36.     Le rapport insiste sur la nécessité de « laisser aux éditeurs de services la liberté d’opérer les choix éditoriaux » (p.86).

Il convient de préciser que les éditeurs ont évidemment la liberté du choix de leur programmation mais que l’exposition des œuvres qu’ils assurent est l’un des moyens qui peut permettre de favoriser la diversité des opérateurs. Ainsi, dans l’univers physique, les remises qualitatives permettent d’assurer aux distributeurs spécialisés le bénéfice de conditions leur permettant d’exister face à la grande distribution. Ecarter ce moyen de négociation conduit à soumettre les services spécialisés et innovants aux mêmes conditions que leurs concurrents internationaux.

37.     Pour recommander de soumettre au régime de la licence légale et de la rémunération équitable les webradios, le rapport se contente d’évoquer la neutralité technologique sans en tirer les conséquences.

Il ne prend aucunement en compte la conséquence manifeste de cette disposition, la réduction de la redevance payée par les webradios et donc de la rémunération des musiciens ; le rapport raisonne en effet comme si les sociétés de gestion collective pouvaient continuer d’appliquer à la licence légale les taux contractuels qu’ont négocié la SCPP et la SPPF avec les webradios.

Comment justifier l’application d’un taux supérieur aux webradios qu’aux radios alors qu’il s’agirait, selon le rapport, de services équivalents ? C’est tout simplement impossible juridiquement.

Sauf à augmenter la rémunération payée par les radios hertziennes au niveau de celle des webradios, l’extension de la licence légale aux webradios se traduirait par une réduction des rémunérations.

Seule une mesure inverse, le remplacement de la licence légale, formule dépassée, par la conclusion de licences négociées permettrait d’augmenter la rémunération des producteurs et des artistes au niveau nécessaire.

38.     Enfin, on cherchera vainement en quoi la politique d’aide de la SCPP entre dans le champ de la mission confiée à Monsieur Phéline : depuis que le montant des aides provenant des licences légales est devenu significatif, la SCPP a mis en place un système de droit de tirage en parallèle avec un système d’aide sélective, sur les modèles des systèmes d’aides  mis en œuvre par l’Etat dans le cadre du CNC (production cinématographique) et du CNV (production de spectacle vivant). Le droit de tirage permet de la transparence dans l’attribution des aides, évite les risques de favoritisme et permet de rendre le système d’aides compatible avec le droit de la concurrence. C’est d’ailleurs pour ces raisons que le projet de CNM avait repris à son compte ce système mixte de droit de tirage et d’aides sélectives.

La proposition d’un partage des aides est également absurde. Les aides ont vocation à soutenir la production en permettant de réduire l’investissement à la charge du producteur. Dans le secteur phonographique, à la différence de la production audiovisuelle, l’artiste perçoit une redevance dès la première vente et non pas après amortissement du coût de production.

Cette ultime proposition du rapport n’est qu’une manifestation supplémentaire de l’hostilité de son auteur envers les entreprises de production phonographique et de l’absence totale d’objectivité du rapport.

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