Interview de Guillaume Leblanc dans L’Opinion

 

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Guillaume Leblanc : « Faire entrer le streaming dans tous les foyers de France»

Avec deux millions d’abonnés, le streaming musical continue de progresser, même s’il est encore loin de compenser les pertes de revenus du disque physique.

Les faits – Après une très longue période de crise, l’industrie espère consolider les résultats positifs de l’année dernière. Le marché de la musique numérique progresse de 25% en trois ans et représente un tiers du chiffre d’affaires du secteur, selon les chiffres du premier trimestre 2014 publiés mercredi par le Syndicat national des éditions phonographiques. A lui seul, le streaming accroît ses revenus de 40% et devient le principal moteur des ventes digitales.

L’industrie du disque est-elle parvenue à surfer sur les bons résultats de l’an dernier ?
Même si le marché de la musique enregistrée affiche un repli de 7% en ce premier trimestre, la bonne nouvelle vient de la forte croissance du streaming dont les revenus progressent de 40% depuis le début de l’année. Pour la première fois, le chiffre d’affaires du streaming est supérieur à celui du téléchargement. Cette accélération témoigne de l’appétence croissante des Français pour ce nouveau mode de consommation de musique en ligne totalement innovant, qui permet, pour quelques euros par mois, d’avoir accès légalement à un catalogue de 30 millions de titres. Après une décennie de crise, ce nouvel usage offre des perspectives prometteuses pour toute la filière musicale, et notamment pour les artistes. A condition bien évidemment que l’on laisse à ce marché les moyens de se développer.

Malgré l’augmentation de l’offre de streaming, les revenus sont encore loin de compenser les pertes du disque physique. Que peut-on attendre de ce côté cette année ?
La croissance des revenus du streaming, si forte soit elle, ne permet pas encore de compenser la baisse conjuguée des ventes physiques et du téléchargement, qui reculent respectivement de 12,5% et de 10% sur ce premier trimestre. Atteindre le point d’équilibre peut prendre plusieurs mois ou plusieurs années, le temps que la notoriété de ces offres dépasse le cercle des personnes averties. Mais plutôt que de voir le verre à moitié vide, je préfère voir le verre à moitié plein et regarder vers l’avenir. Aujourd’hui, le streaming pèse 17% des revenus du marché et près de 2 millions de personnes paient pour écouter de la musique en flux. C’est un bon début mais nous pouvons faire mieux, considérant que, selon les différentes études menées, la musique représente le bien culturel en ligne le plus consommé légalement. Le fait que de nombreux acteurs, et non des moindres, décident d’investir le marché de l’abonnement témoigne de la vitalité de ce segment.

L’arrivée de la Fnac sur ce marché peut-elle faire bouger les lignes en donnant enfin une large visibilité aux offres de streaming ?
Bien évidemment, l’arrivée d’un partenaire historique de la filière musicale comme la Fnac est un signal positif. Ce qui intéressant, c’est que, d’une part, la Fnac affirme haut et fort le parti pris de proposer seulement une offre payante, à l’instar de ce que fait notamment une autre plateforme française, Qobuz. D’autre part, le lancement d’une offre inédite à 2 euros par mois, si abordable qu’elle peut séduire nombre de consommateurs, initie une segmentation des offres dont le marché a besoin. Je note également que son réseau de distribution associé aux millions d’adhérents constitue sans doute pour la Fnac un atout pour recruter de nouveaux abonnés et populariser le streaming. Car l’enjeu central, c’est bien de faire entrer le streaming dans tous les foyers de France.

Deezer pourrait-il pâtir de cette nouvelle compétition hexagonale ?
La musique en ligne est par définition un marché où la compétition est mondiale puisqu’Internet abolit les frontières. Je crois que l’arrivée de nouveaux acteurs sur le marché de l’abonnement, on parle aussi dans les prochains mois de YouTube, d’Apple et sans doute de TF1, est une bonne nouvelle pour tout le monde. On oublie trop souvent que c’est le consommateur qui crée de la valeur. Or, cette saine concurrence va permettre de doper le marché de la musique enregistrée pour, pourquoi pas, retrouver des revenus comparables à ceux d’avant la crise du disque.